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Barbie se cultive
20 juillet 2008

Le miroir des idées: le primaire et le secondaire

Comme par écho à la chasse et la pêche et pour mieux comprendre (le chasseur est un primaire tandis que le pêcheur est un secondaire):
"La distinction entre primaire et secondaire vient de la caractérologie, et il importe pour bien la comprendre d'oublier la connotation scolaire qui risque de s'y attacher comme une mauvaise odeur.
Un secondaire vit en référence constante à son passé et à son avenir. La nostalgie de ce qui n'est plus et l'appréhension de ce qui va arriver obnubilent son présent et dévaluent sa sensation immédiate. Son intelligence se sert du calcul plus que de l'intuition. Son espace est une chambre d'écho et un dédale de perspectives. En amour, la fidélité lui importe plus que la liberté. Il est constamment hanté par ces trois fantômes: le remords, le regret et le ressentiment. François Mauriac: "Je pardonne quelquefois, mais je n'oublie jamais."
Le primaire s'enchante de la jeunesse de l'éternel présent. Il peut être cérébral ou sensuel, c'est l'homme de l'évidence originelle et du premier commencement. Chaque matin est pour lui le premier jour de la Création. Il ne s'embarrasse pas de fantômes ni de chimères. Il se montre spontanément ingrat, imprévoyant, mais sans rancune. Il adhère par instinct à ce qui s'offre.
Rien de plus étrange que certains couples qu'on voit se former dans l'histoire et qui réunissent un primaire et un secondaire., perpétuellement hésitant entre l'admiration et le mépris, l'amour et la haine réciproques. Tels furent par exemple Voltaire-le-primaire et Rousseau-le-secondaire qui se querellèrent des années, mais qui moururent à quelques semaines d'intervalle, comme s'ils ne pouvaient vivre l'un sans l'autre. Mais Voltaire était l'homme du présent, tandis que Rousseau, en écrivant ses Confessions, à la fois plongeait dans son propre passé et créait l'oeuvre fondatrice de la littérature moderne.
Un peu plus tard, l'histoire frnaçaise était dominée par un autre couple comparable: Talleyrand et Napoléon. Les premières lettres de Talleyrand au général Bonaparte pendant ses campagnes d'Italie et d'Egypte sont d'amour purement et simplement. Pour le diplomate déjà mûr et passablement compromis, demeuré obstinément enraciné dans l'Ancien Régime - son exclamation fameuse "qui n'a pas connu l'Ancien Régime ne sais pas ce qu'est la douceur de vivre" est une profession de foi secondaire -, ce général d'origine obscure, brillant de génie juvénile, incarne un héros romantique avant l'heure, d'une dimension presque mythologique.
Mais la séduction est réciproque. Aux yeux du petit ambitieux corse, à l'accent et à l'allure ridicules, ce représentant d'une des plus anciennes familles de l'aristocratie, parfait connaisseur de toutes les cours d'Europe, c'est un père idéal, guide et tuteur indispensable pour accéder au pouvoir. Peu à peu les relations se dégradent, mais les griefs restent dans la ligne définie: primarité contre secondarité. Pour Napoléon, dans les pires moments, Talleyrand est un monstre de duplicité. ("Vous êtes de la merde dans un bas de soie.") Pour Talleyrand, Napoléon n'est qu'une brute grossière et impulsive. Le génie primaire a connu une floraison exceptionnelle à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, dans la peinture avec l'impressionnisme, école de l'instant dépourvu de passé et d'avenir, et avec la musique de Claude Debussy. La poésie de son côté présente sur un siècle une magnifique lignée primaire que l'on peut faire remonter à Théophile Gautier, et qui s'est poursuivie avec les Parnassiens, Paul Valéry et Saint-John Perse. "

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